La génétique au secours des bivalves d’eau douce

Les bivalves d’eau douce font partie des invertébrés les plus menacés à l’échelle mondiale. Ainsi, la grande mulette, autrefois répandue dans tous les principaux fleuves d’Europe de l’Ouest, ne subsiste plus aujourd’hui qu’au sein de six petites populations en déclin. A contrario, certaines espèces envahissantes menacent les écosystèmes et leur régulation induit des coûts importants. Le rôle fonctionnel des bivalves demeure pourtant essentiel. Filtrant l’eau des rivières en permanence, ils s’imposent comme d’excellents bioindicateurs de la qualité des milieux aquatiques.

DES INVENTAIRES DIFFICILES

L’inventaire des bivalves représente un défi naturaliste, notamment dans les grands fleuves qui concentrent l’essentiel de la biodiversité. D’une part, le milieu aquatique reste difficile et dangereux à prospecter, même pour des plongeurs chevronnés. D’autre part, beaucoup d’espèces sont rares et/ou difficiles à détecter du fait notamment de leur taille, de leur recouvrement par la vase ou les algues et de leur enfoncement périodique dans le sédiment. À ces difficultés d’observation s’ajoutent les problèmes de détermination. Beaucoup d’espèces sont en effet particulièrement difficiles à identifier sur le terrain sans l’aide de la génétique.

L’ADNe CHANGE LA DONNE

Depuis 2015, les membres de Vigilife, en collaboration avec plusieurs partenaires français et portugais, développent une nouvelle méthode d’inventaire des bivalves d’eau douce basée sur l’ADNe. Plus de 300 sites ont ainsi été étudiés à travers la France. Les résultats obtenus démontrent la très grande efficacité de la méthode.

L’ADNe permet, dans tous les cas, de détecter l’ensemble des espèces connues par les inventaires traditionnels et généralement 20 à 30 % d’espèces en plus.

L’ADNe permet, dans tous les cas, de détecter l’ensemble des espèces connues par les inventaires traditionnels et généralement 20 à 30 % d’espèces en plus. Il a même permis de retrouver une population de grande mulette que l’on croyait disparue. Ces données sont en accord avec les connaissances sur l’écologie et la biogéographie des bivalves d’eau douce recensés. Les tests réalisés sur la faune de Guyane ou du Maroc sont également concluants et confortent l’intérêt d’utiliser la méthode à large échelle.

VERS UN DÉPLOIEMENT DANS LES MILIEUX SOUTERRAINS

Les résultats convaincants obtenus pour les bivalves ouvrent de nouvelles perspectives pour le suivi de l’état de santé d’autres milieux difficiles d’accès, en particulier les aquifères souterrains qui fournissent l’essentiel de l’eau potable à l’humanité. Des développements sont également en cours pour l’inventaire des gastéropodes. Cela permettra de compléter le panel des espèces nécessaires pour caractériser tous les milieux aquatiques d’eau douce continentaux, et de suivre à la fois les espèces à enjeux de conservation et la qualité des écosystèmes.

© Vincent Prié