Colombie – au cœur de la biodiversité

RICHESSES INSOUPÇONNÉES

Accolée au géant brésilien et à ses millions de kilomètres carrés de forêt amazonienne, non loin du Costa Rica, véritable sanctuaire pour la biodiversité, la Colombie n’apparaît pas à première vue comme un pays particulièrement riche en ressources naturelles et en biodiversité.

La Colombie serait même le pays concentrant le plus grand nombre d’espèces au kilomètre carré.

Et pourtant ! Faisant partie des 17 pays « mégadivers » (pays les plus riches au monde en nombre d’espèces), la Colombie serait même le pays concentrant le plus grand nombre d’espèces au kilomètre carré : une espèce sur dix se trouverait ainsi en Colombie ! On y trouve, entre autres, plus d’espèces d’oiseaux, de papillons ou encore d’orchidées que dans n’importe quel autre pays de la planète. Parmi les plus de 50 000 espèces animales et végétales officiellement recensées dans le pays, environ 9 000 sont endémiques, n’existant nulle part ailleurs sur la planète. Des chiffres qui ne cessent d’augmenter au fil des découvertes.

En 2018, la minuscule grenouille Hyloscirtus japreria – à peine trois centimètres ! – rejoignait ainsi la longue liste des batraciens de Colombie. En 2015, c’est une autre curieuse grenouille aux sourcils jaunes (Pristimantis macrummendozai), dont les replis de peau lui permettent de retenir l’humidité, qui était découverte dans les hauteurs colombiennes de la Cordillère des Andes. Les mammifères ne sont pas en reste. En 2013, des analyses génétiques prouvèrent que l’olinguito, un petit mammifère omnivore parfois appelé « chat-ours », était bel et bien une espèce à part entière.

Pour expliquer une telle diversité de faune et de flore, il faut se pencher sur la grande variété de paysages, et donc d’écosystèmes, de la région. Quatrième plus grand pays d’Amérique du Sud, la Colombie s’étend des Andes au bassin amazonien. À l’ouest, les milieux marécageux du Panama s’y prolongent, abritant des espèces typiques d’Amérique centrale, tandis que s’étendent au sud-est les frontières de la forêt amazonienne. Les Andes colombiennes apportent quant à elles une biodiversité d’altitude unique, comme le célèbre condor des Andes, plus grand rapace au monde avec son envergure dépassant les trois mètres. Enfin, les tepuys – hauts plateaux tabulaires aux falaises abruptes – permettent d’accroître le nombre d’espèces endémiques, isolées depuis longtemps de leurs congénères restés dans la forêt au pied de ces falaises. Mais l’immense biodiversité colombienne ne peut s’expliquer uniquement par ses richesses terrestres. Avec près d’un million de kilomètres carrés d’eaux territoriales et 3 000 kilomètres de côtes, la Colombie est également une nation maritime.

Elle est d’ailleurs le seul pays d’Amérique du Sud à donner à la fois sur le Pacifique, à l’ouest, et sur la mer des Caraïbes, au nord. La diversité d’habitats côtiers et insulaires du pays héberge ainsi un nombre exceptionnel d’espèces marines, avec une grande diversité de mammifères marins, de poissons et d’invertébrés aquatiques. Un autre immense territoire pour explorer, notamment à l’aide de l’ADN environnemental (ADNe), l’exceptionnelle biodiversité colombienne dont il reste tant à découvrir.

ÉTUDIER POUR MIEUX PROTÉGER

Renfermer d’exceptionnels trésors naturels est une chose, les protéger en est une autre. Si le patrimoine biologique est bien reconnu par les autorités comme une richesse importante devant être prise en compte dans leurs stratégies de développement, dans les faits, cette volonté se heurte bien souvent à la réalité du terrain et aux enjeux socio-économiques.

Avant de préserver, il faut en effet savoir ce qu’il y a à protéger…

Première menace pour la biodiversité colombienne, et non des moindres : la déforestation. Celle ci ne cesse de progresser depuis plusieurs années, qu’elle soit liée à l’exploitation du bois, à l’ouverture de nouvelles mines ou plus simplement à l’accession à de nouvelles terres pour l’agriculture et l’élevage. La Colombie a néanmoins récemment mis en place une politique ambitieuse pour limiter la déforestation et restaurer sa surface forestière.

À cette déforestation massive provoquant perte de biodiversité, envasement et pollution des rivières, s’ajoute le problème des incendies. Rien que pour l’année 2019, plus de 2 200 feux de forêts ont été enregistrés en Colombie. Le triste record de ces vingt dernières années. En cause : le changement climatique et les températures extrêmes connues cette année-là, mais aussi les brûlis effectués pour les terres agricoles. Il existe d’autres menaces importantes : les atteintes directes à la faune. On compte parmi elles le braconnage, le trafic d’animaux visant des espèces emblématiques comme le tamarin à crête blanche ou bien encore le perroquet à tête bleue, ainsi que les problèmes de surpêche et de perte d’habitats au niveau des écosystèmes marins.

Heureusement, des solutions existent pour préserver les nombreuses richesses naturelles du pays. Une gestion territoriale optimisée peut être envisagée en collaboration avec les communautés locales. Il est par exemple possible de favoriser l’agroforesterie dans les plantations de café et de cacao, ou de limiter le tourisme de masse pour mieux contrôler les effets positifs de l’écotourisme sur le pays.

Mais trouver l’équilibre entre croissance économique et préservation de l’environnement nécessite avant tout de réaliser un état des lieux de la biodiversité terrestre et marine. Avant de préserver, il faut en effet savoir ce qu’il y a à protéger… Une tâche complexe sur ce territoire immense et si divers, qui peut heureusement aujourd’hui s’appuyer sur l’ADNe. L’outil pourrait s’avérer particulièrement adapté pour établir rapidement un état des lieux de la biodiversité et pour assurer son suivi sur le long terme, afin d’orienter les politiques de conservation.

L’ADNe a déjà été testé en Colombie pour inventorier les mammifères, les oiseaux et les poissons, dans le cadre de différentes expéditions récemment menées dans des zones à la biodiversité exceptionnelle, comme Malpelo et la Sierra Nevada de Santa Marta. Des premiers pas prometteurs qui poussent toujours plus la Colombie vers une meilleure connaissance de ses richesses intérieures, un savoir indispensable pour enclencher par la suite leur gestion durable.

© Manuel Spescha