Maroni 2021 – L’inventaire de l’ensemble du vivant sur 600 km de forêt amazonienne

UN FLEUVE REMARQUABLE

Le fleuve Maroni prend sa source au Suriname, au cœur de la forêt du plateau des Guyanes, et chemine en direction de l’Est, avant de rejoindre l’Atlantique en un vaste estuaire de 4,5 km de large.

L’amont du Maroni est exceptionnellement sauvage, puisqu’aucun village n’y est établi. Seuls les Amérindiens Wayanas y remontent ponctuellement en pirogue pour des expéditions de chasse ou de pêche permettant d’alimenter leurs villages. Actuellement, environ 1500 personnes appartenant aux ethnies Wayana et Teko occupent une petite dizaine de villages situés entre 2 et 4 heures de pirogue en amont de la ville de Maripasoula. Cette zone est protégée. Elle n’est accessible que sur autorisation préfectorale ou invitation par les populations locales. Malgré cette mesure de protection, les activités d’orpaillage illégal sévissent et impactent la qualité des eaux du fleuve jusque dans les villages. A l’aval de Maripasoula, l’influence humaine se fait plus prégnante. La circulation des pirogues sur le fleuve ainsi que la chasse et la pêche augmentent et les berges sont occupées par des habitations. L’orpaillage devient omniprésent et la turbidité du fleuve est plus importante. Le territoire des Bushinenge débute à l’aval de Maripasoula. Le Maroni est alors ponctué de villes et villages de tailles variables, la plus grande agglomération étant Saint-Laurent du Maroni, située presque à l’Estuaire, avec 45 000 habitants.

Malgré les pressions humaines, le Maroni reste un hotspot, ou zone exceptionnelle de biodiversité, avec un taux d’endémisme remarquable, chez les poissons en particulier. Il abrite au moins 272 espèces de poissons (sans compter toutes les espèces marines qui fréquentent l’estuaire) dont 60 sont endémiques du Maroni !

UNE PREMIÈRE MONDIALE

Compte-tenu de cette richesse biologique et de l’augmentation des pressions humaines, en particulier de l’orpaillage, le fleuve Maroni était un candidat idéal pour initier le programme “Fleuves Sentinelles” de Vigilife. L’optique étant de mettre en place un suivi à long terme de l’évolution de cette biodiversité remarquable et de l’état écologique du fleuve Maroni.

Pirogue progression

Du 8 au 30 novembre 2021, une équipe internationale de biologistes a prospecté l’ensemble du fleuve Maroni sur 600 km de linéaire en forêt tropicale. Des prélèvements d’eau ont été réalisés sur 56 sites en vue d’analyser l’ADN environnemental. Ces analyses ciblent cinq groupes choisis pour leur patrimonialité et leur qualité de bioindicateurs : les Vertébrés, les Poissons, les Bivalves, les Eucaryotes et les Procaryotes. Elles doivent permettre de révéler l’ensemble du vivant lié au fleuve, des bactéries à la grande faune, telle que la loutre géante, le tapir ou le jaguar. Ces prélèvements permettront non seulement de préciser l’état écologique du fleuve Maroni dans son ensemble, de mesurer les impacts de l’homme sur cet écosystème, et aussi de compléter les connaissances de la biodiversité des zones les plus isolées, qui n’avaient jusqu’ici jamais fait l’objet d’études scientifiques.

LA VIE DE L’EXPÉDITION

Pendant 18 jours, l’équipe a vécu en autonomie complète, en établissant chaque soir le campement en forêt au gré de leur progression. Deux pirogues ont été nécessaires pour transporter les 1500 kg de matériel. Les conditions de navigation étant particulièrement difficiles, l’expérience et les qualités de deux guides amérindiens étaient indispensables pour assurer la sécurité des personnes et du matériel. Le quotidien était rythmé par le démantèlement du camp de la veille, l’embarquement sur la pirogue et la progression vers l’amont, ponctuée des opérations de prélèvement d’eau. En fin de journée, avant le coucher du soleil, l’équipe choisissait un site pour établir le campement du soir. Les hamacs étaient installés en priorité, entre deux arbres, et abrités de la pluie par une bâche. Le coin cuisine était ensuite installé, lui aussi sous une bâche en cas de pluie. Ensuite, chacun s’occupait au rangement ou au séchage du matériel (si le temps le permettait), à la préparation du matériel pour les prélèvements du lendemain, à la photographie des spécimens collectés durant la journée et à la pêche pour le repas du soir. Les repas étaient majoritairement constitués de poissons de la rivière, de riz et de couac (sorte de brisure de manioc).

Camp Roche Plate

La nuit tombée, une séance de pêche nocturne était souvent organisée de manière à capturer des poissons pour consolider la base de références génétiques. Chaque espèce capturée était photographiée puis relâchée. Seuls ont été conservés les spécimens appartenant à des espèces peu connues ou potentiellement nouvelles et absentes de la base de référence.

LES PERSPECTIVES

Cette mission Maroni 2021 fait écho à une mission pilote réalisée en 2017, qui visait uniquement les poissons et les vertébrés. Il va donc être possible, grâce à cette nouvelle expédition, de suivre l’état de santé du fleuve Maroni sur un pas de temps de 4 ans avec des méthodes standardisées. Ces deux premières campagnes de prélèvement initient un processus de suivi à long terme en vue du déploiement d’un observatoire scientifique pérenne sur ce territoire d’exception, qui constitue encore l’une des zones les plus préservées d’Amazonie. Ce projet d’observatoire sera développé en concertation avec les acteurs de la recherche, de la conservation, et les institutions en charge des politiques publiques locales et nationales en faveur de la connaissance et la préservation de la biodiversité de la Guyane française.

L’ensemble des connaissances acquises durant cette expédition seront restituées auprès des acteurs de Guyane, dont les populations concernées et les autorités locales, afin des les soutenir dans leurs efforts de préserver leur qualité de vie et celle des espèces et des milieux naturels dont ils dépendent.

Maroni dans la brume

LES PARTENAIRES

Nous tenons à remercier tous les partenaires de l’expédition, en particulier l’Office de l’Eau de la Guyane, le Parc Amazonien de Guyane, la DGTM de la Guyane, le Chef coutumier Wayana Michel Aloïke, les laboratoires EDB – Université de Toulouse, CIBIO – Biopolis, ETHZ, MARBEC, l’Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage-WSL, l’association Beauval Nature ainsi que les entreprises Alkios, Hydreco et SPYGEN.